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Actualités
31 juillet 2024
par Captain Jack

Nos adieux à Noriko Ohara, grande voix de l'animation japonaise

Le 12 juillet dernier disparaissait l'actrice et seiyû Noriko Ohara à l'âge de 88 ans. Spécialisée dans le doublage ainsi que la création de voix dès le début des années 1950 alors qu'elle est encore adolescente (notamment pour la radio), elle marqua de son empreinte vocale le monde de l'animation japonaise en prêtant sa voix sur trois décennies au célèbre personnage de Nobita dans l'amusante et délirante série Doraemon, et ce sur les 1787 épisodes (et 30 spéciaux) qui la composent et diffusés de 1979 à 2005, de même que sur les 31 longs-métrages d'animation (et quelques OAV) tirés de ladite série et produits de 1980 à 2004 ! C'est dire qu'elle a vécu en permanence avec ce jeune garçon prénommé Nobita durant un quart de siècle, tout comme l'actrice Nobuyo Ôyama avec Doraemon en lui donnant la voix sur la même période !

Signalons qu'au début de la série, Noriko Ohara prit quelques jours d'arrêt maladie en juillet 1979 et fut remplacée par Yuko Maruyama durant six épisodes. En effet, elle avait quelque peu abimé ses cordes vocales en travaillant sur la version cinématographique de Conan, le fils du futur (Yuko Maruyama l'avait précédemment remplacée sur la version cinématographique de la série Heidi où elle prêtait sa voix à Pierre). Notons aussi que lorsqu'elle est arrivée sur ce projet produit par TV Asahi, elle était déjà plus que familiarisée avec l'univers de Doraemon puisqu'elle donna sa voix à la mère de Nobita dans la précédente et première série adaptant le manga des Fujiko Fujio produite en 26 épisodes par Nippon Television en 1973.
Précisons qu'en 2005, pour son 25ème anniversaire, la seconde série a poursuivi sa production dans une seconde phase de création avec de nombreuses modifications quant à sa conception et de même tous les artistes de la voix comme Noriko Ohara furent remplacés par de nouveaux talents. Cette seconde phase est encore en cours de production en 2024 faisant de cette série l'une des plus longues de l'Histoire de l'animation japonaise !

Parmi de nombreux autres personnages importants dans l'animation auxquels Noriko Ohara donna sa voix, on peut citer Pierre dans la série Heidi d'Isao Takahata et Hayao Miyazaki, Sinbad dans la série Sinbad le marin, Mime dans la série Albator, le corsaire de l'espace, Conan dans la série Conan, le fils du futur (de même évidemment que la version cinématographique), Oyuki dans la série Lamu, Sébastien dans la série Belle et Sébastien, Claudia LaSalle dans Macross (la série et le long-métrage), ou encore deux personnages féminins similaires et antagonistes séduisantes et sexy issus du même univers conçu par le studio Tatsunoko, Lucinda / Marjo dans Time Bokan et Doronjo dans Yatterman.

Nombre de personnages que joua Noriko Ohara étaient de jeunes garçons et elle débuta ainsi sur le genre masculin en 1966 avec Megane dans la série adaptant un manga de Tetsuya Chiba Harisu no Tsumujikaze (avec déjà Nobuyo “Doraemon” Ôyama qui elle interprétait le personnage principal Kunimatsu Ishida) puis en 1969 avec Marine dans Marine Boy. A cet effet, après un certain temps à travailler sur ces premiers rôles de jeunes garçons, elle parvient à trouver le bon équilibre vocal pour restituer une juste tonalité qui permet ainsi de donner à ces jeunes héros une voix proche de leur identité, et ce avec encore plus d'élasticité dix ans plus tard sur Conan et Nobita. On notera par ailleurs que certains de ces rôles de jeunes garçons furent également doublés en français (en France ou au Québec) par des comédiennes telles Marie Bégin pour Pierre (Heidi), Guylaine Gibert pour Sinbad, Jackie Berger puis Brigitte Lecordier pour Conan ou encore Flora Balzano pour Sébastien (Belle et Sébastien).

Toujours à propos des rôles de jeunes garçons que joua Noriko Ohara, et pour un plus juste résultat et tout en l'étudiant quelque peu, elle s'inspira dans un premier temps de la voix de son jeune fils Atsuo Tobe (son père est Shinichi Tobe, un metteur en scène de pièces de théâtre). Atsuo travaillera plus tard lui aussi dans le domaine de l'animation, devenant un grand animateur et directeur de l'animation. D'ailleurs, la mère et le fils se « croiseront » sur quelques productions.

Concernant les jeunes années de Noriko Ohara : son père, Eiji Ohara (1887-1957), était un grand avocat et conseillé en brevets. Lui et son épouse (catholique et fervente chrétienne) lui donnèrent respectivement le goût de la culture japonaise et occidentale. Son père lui fera même apprendre à danser le Fujima-ryu (et d'autres styles de danses pour ses deux sœurs aînée et cadette ; elle avait aussi un frère aîné).
Notons également que lorsqu'elle était adolescente, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle aimait tellement la littérature qu'elle envisageait de devenir écrivaine. Elle avait notamment lu le célèbre roman Les Quatre Filles du docteur March de Louisa May Alcott qu'elle avait adoré et lorsque l'adaptation cinématographique de Mervyn LeRoy (1900-1987) fut projetée au cinéma au Japon à partir du 27 décembre 1949, elle alla la voir avec sa mère, et c'est en voyant l'actrice June Allyson (1917-2006) interpréter le rôle de Jo que le désir de devenir actrice lui vint... Quelques années plus tard, en 1972, elle fut elle-même la Jo de June Allyson puisqu'elle doubla le personnage dans ce même film de Mervyn LeRoy pour le nouveau doublage de celui-ci lors de sa diffusion à la télévision japonaise. Quelles retrouvailles !

Noriko Ohara doubla également tout le long de sa carrière pour des séries télévisées états-uniennes, mais plus encore pour le cinéma sur d'immenses actrices comme Jane Fonda, Claudia Cardinale, Brigitte Bardot, Mylène Demongeot, Shirley MacLaine ou encore Ann-Margret. A propos de Brigitte Bardot, la seiyû puisera quelque peu dans ce qu'elle produisit en 1969 sur l'actrice française dans le doublage télévisé du film En cas de malheur (1958) de Claude Autant-Lara, avec Jean Gabin, pour jouer le personnage de Marjo dans Time Bokan.

Avec sa voix allant du mezzo-soprano à l'alto, passant du registre de jeunes garçons à des rôles sexy et étant également lectrice, Noriko Ohara s'imposa comme l'une des plus grandes seiyû de l'animation japonaise et au-delà dans le doublage pour le cinéma, et ce telle Eiko Masuyama qui elle aussi s'en est allée dans sa 88ème année, en mai dernier. De grandes personnalités du doublage japonais se sont exprimées depuis l'annonce de sa mort le 23 juillet dernier par 81 Produce et lui ont rendu hommage, et avec ce présent texte, nous avons tenté d'en faire de même.