Pinocchio dans l'Espace

A une époque où la conquête de l'espace n'est plus une lubie, une terrible baleine extra-terrestre nommée Astro sème la terreur. Pendant ce temps, sur Terre, nous retrouvons Pinocchio, le petit pantin de bois. Alors qu'il était devenu un véritable petit garçon, sa mauvaise conduite conduisit la Fée Azur à le punir en lui redonnant son apparence de pantin.
Un matin, après avoir écouté un bulletin radiophonique faisant état des méfaits du terrible monstre spatial, Pinocchio quitte Geppetto pour aller à l'école, mais il tombe sur le renard Pointu et son comparse le chat Ficelle, le duo d'escrocs l'ayant déjà dupé par le passé. Ils lui vendent un livre supposé enseigner l'hypnotisme après que Pinocchio leur a dit qu'il souhaitait arrêter Astro afin de se racheter auprès de la Fée.

Mais alors qu'il s’exerce à l'hypnose, un vaisseau atterri. Son occupant, Touortue, une tortue martienne enquêtant sur Astro, voit en Pinocchio et en son "don" pour l'hypnose une aide précieuse pour arrêter la baleine. Aussi, il l'emmène avec lui dans l'espace...

Au début des années 60, Norman Prescott, futur pilier de l'illustre studio Filmation, veut revisiter l'histoire de Pinocchio dans un contexte de science-fiction, sous forme de téléfilm animé faisant suite au conte de Carlo Collodi, sur un scénario de Fred Ladd (utilisant son vrai patronyme, Fred Laderman). Ce dernier lui fera alors découvrir Astro Boy (dessin animé japonais des années 60 dont nous avons eu deux remakes en France : dans les années 80 puis dans les années 2000), autre reprise fantastique de l'histoire du pantin de bois, dont Prescott sera particulièrement fan.
Manquant de fonds pour réaliser le téléfilm dans des studios américains, qui exigeaient tous un budget exorbitant, Prescott dû se rabattre sur le studio belge Belvision, qui avait connu le succès grâce à la série Les Aventures de Tintin d'après Hergé. La majeure partie des employés du studio étaient inexpérimentés, et c'est donc avec la production de ce film qu'ils apprirent le plus gros du métier, sur le tas, et ce malgré le manque de communication de la part du réalisateur Ray Goossens. L'animation et la réalisation globale du film étaient exécutés par Belvision et la post-production (musiques, son et montage) par les Américains.

Arrivé à la moitié de la réalisation, le projet pris de l'ampleur, et les producteurs décidèrent de porter le téléfilm sur grand écran, trouvant d'ailleurs un distributeur, et pas des moindres : la major Universal Pictures ! Ce changement eu pour effet de doubler le budget initial, et donc d'engager un plus grand nombre d'animateurs, ce qui est d'ailleurs assez visible à l'écran, puisque la seconde moitié du film a une animation plus élaborée que la première.

Sorti en Europe en 1965 avec un doublage français (dans lequel les chansons ont été traduites), le film eu son petit succès, élevant le studio Belvision au rang de studio prisé pour le cinéma, ce qui était un exploit à une époque ou les studios Disney régnaient en maître sur le marché de l'animation cinématographique, certains producteurs américains leur confiant alors les rennes de projets de films et séries dont la plupart n'ont hélas pas abouti (ils auraient pu, par exemple, réaliser la série Les Pierrafeu !)
Non seulement Pinocchio dans l'Espace a su se démarquer du modèle Disney trop évident (le personnage de Pinocchio en lui-même est assez fidèle au garnement impulsif de l’œuvre de Collodi), mais le scénario est original, et les personnages sont très attachants, en particulier le tandem formé par Pinocchio et Touortue qui fonctionne parfaitement. De plus, le final, bien qu'assez prévisible, est très émouvant. Enfin, la direction artistique est très réussie. Outre le chara-design joliment enfantin qu'on retrouvera dans quasiment toutes les productions Belvisions, les décors, supervisés par Claude Lambert, sont très beau, et furent même salués par la critique de l'époque.

Depuis, le film ne fait plus tellement parler de lui. Ses rares diffusions TV (notamment sur Game One) passe inaperçues et il ne semble pas être sorti en VHS ou en DVD. Le seul moyen de se procurer le film (légalement) est d'acheter le livre Belvision : La monographie, qui propose une copie DVD du film en bonne qualité. Il serait en tout cas dommage de bouder ce morceau de l'histoire de l'animation européenne. Notez que notre version française est plus longue que la version américaine : une introduction sous forme de documentaire sur les vaisseaux spatiaux (le film ayant été réalisé pendant l'ère de la Course à l'Espace) est présente dans notre montage mais amputée dans les versions étrangères.